Les coupures sont maintenant un enjeu électoral

Comme l’a si bien dit Mouawad dans sa lettre à Harper il y a plus d’un mois:

Ceux-là seront peut-être, à l’instar de ma lettre, défaillants, mais, à l’intérieur de chaque mot, il y aura une étincelle enragée, ranimée, et c’est précisément l’addition de ces petits instants de feu qui formera le grain de sable dont vous ne pourrez pas vous débarrasser. Cela ne se calmera pas, la pression ne diminuera pas.

Je ne peux dire que ça a marché et que les coupures à la culture sont maintenant un enjeu électoral bien établi auprès des 4 partis et que cet enjeu a été exploré dans les débats des chefs à la télévision. Harper et Verner ont pourtant tout fait pour balayer ça sous le tapis mais grâce à la levée de bouclier des artistes, beaucoup au Québec et un peu dans le reste du Canada, ils doivent répondre aux questions et affronter cette réalité. Il ne reste que 4 jours avant le vote, Dion monte, Harper descend. Je sais que beaucoup n’aiment pas Dion par son passé du pire énemi de la souveraineté du Québec mais cela reste qu’à mes yeux, il semble le plus honnête de tous et il a su se rapprocher des gens depuis quelques semaines. À vous de choisir, mon choix est fait.

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C’est triste mais c’est vrai…

Je m’étais dis que je devais parler un peu plus marketing du spectacle et un peu moins politique mais c’est plus fort que moi.

Marie-France Bazzo, journaliste à Télé-Québec et chroniqueuse au Journal de Montréal, a rédigé dans le Journal de Montréal de ce matin une analyse surement très proche de la réalité sur les réactions de Québécois sur les coupures. Voici un extrait:

Un matin, Stephen Harper empoigne sa scie à chaîne et raccourcit de 45 millions de dollars les programmes de subventions aux artistes canadiens. Dans les jours qui suivent, par dizaines, des artistes québécois s’organisent. Le grand Gilles Vigneault se déploie, Robert Lepage s’enflamme, Wajdi Mouawad sort ses tripes. Portée par l’appui inconditionnel des médias, la troupe indignée s’ébranle. On invoque l’identité bafouée, on évoque Hitler, on crie, on crée, on est des artistes ! Tout à coup, au milieu de la rue, le groupe s’immobilise et regarde derrière. Il n’y a personne…

Personne ? peut-être pas mais juste vraiment pas grand monde. Et Qqui sont ces artistes qui se lèvent: ceux qui ne tournent peu ou pas au Québec ou même au Canada (à part Toronto pour quelques chanceux) parce que le public québécois ne s’intéresse peu à ses grands créateurs et beaucoup plus à ses humoristes et varietoche. Parce que le réseau de salles québécois est juste suffisament subventionné pour oser une pièce de théâtre une fois par mois (et je suis généreux) ou une chorégraphie contemporaine une fois par année. Et pourtant, le Québec est surement l’endroit qui subventionne le plus la création et la diffusion en Amérique de Nord.  Le système ici est fait pour favoriser les spectacles « rentable » car la mairie est préoccupée plutôt par le déneigement, avec raison. Résultat, les québécois n’ont que faire de ces troupes de danse contemporaines, de théâtre contemporain, de spectacles enfant-jeunesse.

Qui connait Mouawad ou Lepage à Gaspé ou à  Amos ainsi que dans les nombreuses autres villes québécoise ? Très peu de gens. Encore heureux que le Moulin à Images de Lepage ai été un si gros succès à Québec cet été, cela va très certainement aider la cause des arts de la scène.

Et plus loin Bazzo dit:

Pis encore, se peut-il que le Québec aime les vedettes, les shows à succès, mais pas l’expérimentation et le travail de l’ombre ? Et que ça fasse longtemps que cette situation existe ?

Il est triste de voir à quel point le public en général n’a aucune idée de l’ampleur du travail qu’une compagnie de créationdoit réaliser. Je prends l’exemple du Cirque Éloize car c’est celui que je connais le mieux. Six mois de travail à temps plein pour une création (LaLaLa Human steps prends un an), une équipe au bureau pour qui 50 à 55 heures semaines est la norme (payé à 37.5 heures évidement), des techniciens de tournée qui cumulent facilement 60 à 70 heures/semaines sans compter les voyagements d’une ville à l’autre. Un dévouement de tous et chacun, des marges de crédit dans le rouge en permanence et des fournisseurs patients. On est loin de l’artiste enfumé qui crée en révassant de succès international et en remplissant des demandes de subventions pour un voyage avec sa blonde à Vienne…

Non, c’est un monde de passionné, de travaillants et je suis fier de me lever avec mes collègues pour arrêter cette chasse aux artistes. Parce qu’une ovation de 15 minutes dans une capitale européenne ou dans une ville du Mid-West américain c’est ça notre vrai salaire. Et c’est pas avec des pinottes qu’on y arrive.

Lettre à Harper de Wajdi Mouawad et manif de ce matin

 Notre grand auteur et metteur en scène Wajdi Mouawad à écrit à M. Harper. On retrouve cette lettre dans le Devoir de ce matin dont voici un extrait:

La contestation qui aura lieu aujourd’hui et à laquelle ma lettre s’ajoute n’est qu’une des premières manifestations d’un mouvement que vous venez de mettre vous-même en branle: un nombre incalculable de textes, de discours, de gestes, de rassemblements, de manifestations vont désormais se faire entendre. Ils ne s’essouffleront pas.

Ceux-là seront peut-être, à l’instar de ma lettre, défaillants, mais, à l’intérieur de chaque mot, il y aura une étincelle enragée, ranimée, et c’est précisément l’addition de ces petits instants de feu qui formera le grain de sable dont vous ne pourrez pas vous débarrasser. Cela ne se calmera pas, la pression ne diminuera pas.

Monsieur le premier ministre, nous sommes voisins. Nous travaillons chacun d’un côté de la rue. Seul le Monument aux morts nous sépare et c’est juste, puisque art et politique ont toujours été le miroir l’un de l’autre, chacun sur une rive, se mirant dans l’autre, séparés par ce fleuve où la vie et la mort sont pesés à chaque instant.

Nous avons beaucoup de choses en commun, mais un artiste, contrairement à l’homme politique, n’a rien à perdre, car ce n’est pas lui qui fait les lois; et si c’est le premier ministre qui change le monde, l’artiste, lui, il le fait voir. Ne contribuez donc pas, par votre politique, à nous rendre aveugles, Monsieur le premier ministre, n’ignorez pas la rive miroir, ne nous plongez pas davantage dans le brouillard, ne nous diminuez pas.

Merci Wajdi de décrire si bien la situation et informer le premier ministre qu’il nous aura sur les talons pour toute sa campagne électorale.

J’arrive de la manif à la SAT de ce matin. Je n’ai pas pu entrer dans la SAT entendre les discours des Pintals, Tétreault et autres mais nous devions facilement être un bon 3000.

Maintenant, j’ai hâte de voir comment nos collègues du Canada anglais vont contrer les coupures.

Pour votre info, il y a 650,000 travailleurs dans le domaine de la culture au Canada qui ont généré en 2007 des retombées directes et indirectes env. 84.6 MILLIARDS et selon le Conference Board of Canada, nous participons à 7.4% du PIB canadien. Ce n’est pas négligeable quand même, n’est-ce pas Mme Verner ? Voir l’article du Devoir à ce sujet.

Je propose que dorénavant, toutes les compagnies artistiques qui envoient leurs demandes de subventions au fédéral sous le nom de Holy Fuck (c’est pas mal du tout leur musique), nom qui dérange tant les Conservateurs.